Il sera bientôt possible de cotiser a posteriori au pilier 3a – explication en 7 questions
Avez-vous aussi de bons souvenirs d'un voyage autour du monde ou d'une année sabbatique? Est-ce pour cela, ou pour d'autres raisons, que vous n'avez pas toujours été en mesure de verser le maximum dans le pilier 3a? Alors nous avons de bonnes nouvelles pour vous.
Depuis l’introduction du pilier 3a il y a bientôt 50 ans, un principe s’applique strictement: trop tard, c’est trop tard. Quiconque a omis de cotiser ou n’a pas versé le montant maximal pour une certaine année ne peut rien changer à cet état de fait ultérieurement. Du point de vue fiscal et de la prévoyance, de telles années sont (entièrement ou partiellement) perdues.
Cela vaut également pour les paiements qui sont réalisés juste avant la fin de l’année mais arrivent seulement après le 31 décembre sur le compte du pilier 3a: ils sont imputés à l’année suivante. Une expérience désagréable probablement déjà vécue par un certain nombre de personnes.
Il est donc particulièrement remarquable que le Conseil national et le Conseil des Etats aient approuvé la motion du député au Conseil des Etats Erich Ettlin. En effet, elle rompt avec ce principe vieux de 50 ans et permettra à l’avenir de réaliser précisément de telles opérations: des rachats dans le pilier 3a a posteriori.
Quelles sont les conséquences exactes de cette modification de la loi, à qui bénéficie-t-elle et pourquoi le Conseil fédéral y était-il opposé? Explication en 7 questions.
1. Qui a déposé la motion?
L’auteur est le député du canton d’Obwald au Conseil des Etats, Erich Ettlin, un expert en matière fiscale et commissaire aux comptes du parti «le Centre» (anciennement PDC). Cette modification de la loi est soutenue par l’Association prévoyance suisse (VVS), qui représente les intérêts des fondations suisses de prévoyance et de libre passage. L’intention de cette motion est évidente: son objectif est de renforcer encore le pilier 3a.
2. Quels aspects restent inchangés?
Il y aura un montant annuel maximal de versement sur le pilier 3a à l’avenir également. Ce montant s’élève à 7'056 francs pour les employés affiliés à une caisse de pension et à 35'280 francs pour ceux qui ne sont pas affiliés à une caisse de pension (situation en 2023).
3. Quels sont les changements?
Les années pendant lesquelles une personne n’a pas cotisé ou pas cotisé à hauteur du montant maximal au pilier 3a pourront à l’avenir faire l’objet d’un versement a posteriori, et ce, jusqu’au montant maximal. Comme les cotisations ordinaires, les versements a posteriori sur le pilier 3a pourront être déduits des impôts. Un point particulièrement intéressant est la possibilité d’effectuer des versements a posteriori y compris pour des années pendant lesquelles on ne disposait pas d’un revenu soumis à l’AVS. Cela permet de couvrir en particulier les personnes présentant des lacunes dans leur parcours professionnel, par exemple en raison de périodes de prise en charge des enfants.
4. Y a-t-il des restrictions ou des conditions?
Oui, les deux:
- Un rachat dans le pilier 3a est possible uniquement si l’on dispose d’un revenu soumis à l’AVS au moment du versement a posteriori.
- L’âge minimum pour les rachats est de 25 ans (situation pour l’instant).
- Les versements a posteriori peuvent être réalisés uniquement tous les cinq ans.
- Le total des versements a posteriori ne peut pas dépasser le montant de la «grande déduction», qui est actuellement de 35'280 francs.
- Si des retraits anticipés pour l’achat d’une résidence principale ont déjà été réalisés, ils doivent être déduits du montant maximal de rachat.
5. Le versement a posteriori sur le pilier 3a en vaut-il la peine? Et si oui, pour qui?
Etant donné que les versements peuvent être déduits des impôts, le rachat a posteriori dans le pilier 3a est intéressant, exactement au même titre que les versements annuels. La modification de la loi bénéficie donc à quiconque présente des lacunes de prévoyances pour certaines années de son parcours et peut et souhaite les combler.
Ce faisant, il convient cependant de garder à l’esprit que les fonds versés a posteriori sont également bloqués jusqu’à la retraite (ou jusqu’au retrait anticipé). Pour cette raison, cette possibilité devrait être exploitée uniquement si l’argent n’est pas requis à d’autres fins et si l’on est sûr de ne pas en avoir besoin avant la retraite.
6. Pourquoi le Conseil fédéral a-t-il recommandé de rejeter la motion?
Parce que, pour la majeure partie de la population, la modification de la loi ne conduit pas à une meilleure prévoyance et parce qu’elle profite uniquement à un groupe limité de personnes. Seulement 13% des contribuables seraient en mesure de verser le montant maximal de 7'056 francs (2023) sur le pilier 3a. Les bénéficiaires de la modification de la loi seraient les personnes présentant des revenus supérieurs à 100 000 francs, un groupe qui dispose généralement déjà d’une solide prévoyance professionnelle. De plus, le Conseil fédéral met en garde contre une «baisse non négligeable des recettes fiscales».
Enfin, la possibilité d’opérer des rachats pour des périodes de cotisation durant lesquelles les assurés ne disposaient d’aucun revenu soumis à l’AVS contredirait le principe de base du pilier 3a en tant qu’assurance du revenu.
7. Quand la modification de la loi va-t-elle entrer en vigueur?
La motion Ettlin a été adoptée par le Conseil des Etats en septembre 2019 et par le Conseil national en juin 2020. Le Conseil fédéral a mis en consultation les modifications de l’ordonnance sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP 3) en novembre 2023. Celle-ci durera jusqu’au 6 mars 2024, après quoi il faudra attendre de voir à quoi ressemblera l’ordonnance définitive.